Le retraitement et la REUT - réutilisation des eaux usées traitées (Reuse) - sont encadrés en France par deux arrêtés ministériels de 2010 et 2014. Cette réglementation stricte est nécessaire sur les plans sanitaire et environnemental pour protéger la population. Cependant, certaines contraintes complexifient le montage des dossiers au point, parfois, de mettre à mal la viabilité des projets. A cet égard, le règlement européen, paru le 25 mai dernier, tend à promouvoir et faciliter l’utilisation du Reuse. Une avancée très positive à même d’en favoriser l’essor.
La réutilisation des eaux usées traitées (REUT)
Une nouvelle réglementation, de nouvelles opportunités
La réglementation européenne fixe de nouveaux objectifs en matière de réutilisation d'eaux usées traitées.
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Alors que bien d’autres pays européens ont une approche plus souple de la réglementation du Reuse, la France encadre de manière drastique ses utilisations. L’arrêté ministériel du 25 juin 2014, modifiant celui du 2 août 2010, définit le cadre légal de l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts.
Le point de vue expert
Concrètement, cette règlementation détermine 4 catégories d’eau (A, B, C, D), leurs critères de qualité sanitaire, et les usages associés autorisés et interdits, explique Yvan Poussade, Senior Process Engineer chez Veolia. S’y ajoutent, en fonction des techniques d’irrigation, différentes mesures à prendre en considération pour l’utilisation du Reuse. Ces contraintes d’usage concernent par exemple la vitesse du vent, des distances minimales de sécurité par rapport à des points sensibles comme des habitations ou des cours d’eau, la topologie des terrains ou l’information du public.
Yvan Poussade, Senior Process Engineer chez Veolia
Une réglementation française stricte et contraignante
Autant d’éléments à prendre en compte dans la constitution de demande d'autorisation préfectorale et qui complexifient et ralentissent le montage du dossier tant sur le plan administratif que financier. Avec pour corollaire une réduction des surfaces utiles ne permettant pas toujours de rendre viable le projet de Reuse.
« La réglementation est contraignante, c'est normal, poursuit Yvan Poussade. La constitution d’un dossier est compliquée mais pas impossible si une collectivité ou un industriel s’appuie sur un spécialiste comme Veolia. Nous avons développé une expertise en la matière, tant en amont (étude de faisabilité) qu’en aval, pour le suivi de l’exploitation des systèmes notamment. Tout le savoir-faire est dans la gestion de projet et la connaissance de la réglementation afin de la respecter scrupuleusement. Car, aujourd'hui, les règles sont claires et précises sur certains sujets, comme l’agriculture et les espaces verts, mais pas sur d’autres, comme les usages industriels ou de loisir (golf). »
Harmoniser l’utilisation du Reuse au niveau européen
« De ce point de vue, le nouveau règlement européen est une réelle avancée, se félicite Sarah Hercule-Bobroff, experte qualité de l’eau et santé environnementale chez Veolia. L'idée de préserver la ressource, menacée par le développement urbain, les activités humaines et le changement climatique, a guidé la Commission. Sa volonté est de favoriser le développement du Reuse en Europe comme solution alternative à l’eau potable pour l’irrigation agricole (hors espaces verts), en harmonisant les règles communes applicables dans tous les Etats membres. Des objectifs chiffrés ont été annoncés : passer de 1,7 milliard de mètre cubes de Reuse par an à 6,6 milliards, afin d’atteindre une réduction de 5% du stress hydrique au niveau de l’UE à l’horizon 2025. »
Une règle plus simple et logique
Pour y parvenir, le nouveau règlement assouplit le cadre légal, par rapport à l’actuelle situation française, en introduisant un certain nombre de changements.
« Concernant la qualité de l'eau, si les 4 classes de qualité de Reuse en fonction de 4 types d’usages agricoles demeurent, les seuils microbiologiques* permettant de les atteindre évoluent, poursuit Sarah Hercule-Bobroff. Pour la qualité A, par exemple, le seuil est renforcé (facteur 20) et le suivi permanent de la turbidité, pour vérifier l’efficacité du traitement, est imposé. Pour la qualité B, le seuil est encore plus sévère (facteur 100). Même exigence pour l’eau de qualité C.
La grande nouveauté, néanmoins, est que, contrairement au cadre français actuel, les objectifs de performance ont disparu sur ces critères (bactérien, viral, parasitaire), sauf pour la qualité A. C'est une avancée essentielle, car, jusqu'à présent, le critère d’abattement (log ou objectif de performance) du traitement était difficile à suivre quand la qualité de l’eau était déjà très bonne. Cette réglementation est donc plus simple et plus logique. »
Une adaptation du dispositif de Reuse au cas par cas
En contrepartie, les contrôles sanitaires de conformité seront plus fréquents, en fonction de la classe de qualité de Reuse, de manière à pouvoir réagir plus vite en cas de problème. Autant d’indications qui devront être répertoriées dans le plan de gestion des risques.
« L'exploitant de la station d’épuration doit faire valider ce plan pour obtenir le permis d’exploitation. Il y liste les risques et indique les moyens mis en place pour les gérer. Cela permet d’anticiper les éventuels incidents et de sécuriser l’utilisation du Reuse. L’évaluation du risque et sa gestion sont au cœur du nouveau règlement qui introduit la notion de barrière pour compenser la sévérité accrue des critères de qualité. Car les niveaux de qualité ne sont plus assortis de contraintes d'usage obligatoires liées à la distance, à la nature du sol ou à la vitesse du vent. Concrètement, si on ajoute une barrière (différentes étapes de traitement, distances liées à une activité, délai de quelques jours entre l’irrigation et le retour des animaux…), les critères de qualité sont moins drastiques, permettant d’utiliser une eau de qualité B alors qu’une qualité A est requise. Cette souplesse est bienvenue car jusqu'à présent la règle en France était la même quel que soit le projet. Désormais, l’Union européenne nous offre la possibilité d’adapter le dispositif en fonction des caractéristiques intrinsèques du projet, au cas par cas. »
Transparence et pédagogie
Le plan de gestion des risques devient le pivot central de chaque projet, fixant aussi la gouvernance des responsabilités de toutes les parties prenantes impliquées, du producteur du Reuse à l’utilisateur final.
En outre, l’ensemble de ces informations devra être mis à la disposition du public, en transparence, de sorte à assurer la confiance des populations dans le recours au Reuse. Le reporting des informations contenues dans les plans de gestion des risques et les permis y contribuera fortement. C’est nouveau et, là aussi, c’est une très bonne décision puisque ces efforts de sensibilisation favoriseront le développement de l’utilisation des eaux usées traitées.
Bon à savoir
Au final, cette nouvelle réglementation européenne va dans le bon sens. L’assouplissement des règles, qui simplifie le montage administratif et financier des dossiers, couplé aux très bonnes qualités des eaux de Reuse vont aussi nous permettre d’aller plus facilement vers d’autres usages que l’agriculture, comme l’irrigation des golfs, des parcs ou l’agriculture urbaine.
Sarah Hercule-Bobroff, experte qualité de l’eau et santé environnementale chez Veolia
* Différents paramètres sont mesurés : les bactéries E. Coli, les matières en suspension, la turbidité, la demande biochimique en oxygène pendant cinq jours (DBO5), les légionelles (en cas d’irrigation par aspersion) et les nématodes intestinaux (œufs d'helminthe - pour l’irrigation des fourrages et pâturages).
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Annexes
Liens vers la réglementation française
- Arrêté du 25 juin 2014 modifiant l'arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts
- Circulaire REUT
La réglementation précisant les usages et les seuils de qualité
Type d'usage | NIVEAU DE QUALITÉ SANITAIRE DES EAUX USÉES TRAITÉES | |||
---|---|---|---|---|
A | B | C | D | |
Cultures maraîchères, fruitières et légumières non transformées par un traitement thermique industriel adapté (excepté cressiculture (1) | + | - | - | - |
Cultures maraîchères, fruitières, légumières transformées par un traitement thermique industriel adapté | + | + | - | - |
Pâturage (2) | + | + (3) | - | - |
Espaces verts ouverts au public (4) | + (5) | - | - | - |
Fleurs vendues coupées | + | + (6) | - | - |
Pépinières et arbustes et autres cultures florales | + | + | + (6) | - |
Fourrage frais | + | + (3) | - | - |
Autres cultures céréalières et fourragères | + | + | + (6) | - |
Arboriculture fruitière | + | + (7) | + (8) | - |
Taillis à courte rotation ou à très courte rotation, avec accès contrôlé du public | + | + | + (6) | + (6) |
Forêt, hors taillis à courte rotation avec accès contrôlé du public | - | - | - | - |
+ autorisée,-: interdite. (1) La réutilisation d'eaux usées traitées est interdite pour la cressiculture. (2) En cas d'aspersion, les animaux ne doivent pas être au champ au moment de l'opération et les abreuvoirs, au cas où ils seraient arrosés, doivent être rincés avant utilisation. (3) Sous réserve du respect d'un délai après irrigation de 10 jours en l'absence d'abattoir relié à la station de traitement des eaux usées et de 21 jours dans le cas contraire. (4) On entend par espace vert, notamment : les aires d'autoroutes, cimetières, golfs, hippodromes, parcs, jardins publics, parties communes de lotissements, ronds-points et autres terre-pleins, squares, stades, etc. (5) Irrigation en dehors des heures d'ouverture au public, ou fermeture aux usagers pendant l'irrigation et deux heures suivant l'irrigation dans le cas d'espaces verts fermés ; irrigation pendant les heures de plus faible fréquentation et interdiction d'accès aux passants pendant l'irrigation et deux heures suivant l'irrigation dans le cas d'espaces verts ouverts de façon permanente. (6) Uniquement par irrigation localisée, telle que définie à l'article 2. (7) Interdite pendant la période allant de la floraison à la cueillette pour les fruits non transformés, sauf en cas d'irrigation au goutte à goutte. (8) Uniquement par goutte à goutte. |
L'arrêté du 4 juillet 2014
Niveaux de qualité sanitaires des eaux usées traitées
Quatre niveaux de qualité sanitaire des eaux usées traitées (A, B, C et D) sont définis comme suit :
PARAMÈTRES | NIVEAU DE QUALITÉ SANITAIRE DES EAUX USÉES TRAITÉES | |||
---|---|---|---|---|
A | B | C | D | |
Matières en suspension (mg/ L) | < 15 | Conforme à la réglementation des rejets d'eaux usées traitées pour l'exutoire de la station hors période d'irrigation | ||
Demande chimique en oxygène (mg/ L) | <60 | |||
Escherichia coli (UFC/ 100mL) | ≤ 250 | ≤ 10 000 | ≤ 100 000 | - |
Entérocoques fécaux (abattement en log) | ≥ 4 | ≥ 3 | ≥ 2 | ≥ 2 |
Phages ARN F-spécifiques (abattement en log) | ≥ 4 | ≥ 3 | ≥ 2 | ≥ 2 |
Spores de bactéries anaérobies sulfito-réductrices (abattement en log) | ≥ 4 | ≥ 3 | ≥ 2 | ≥ 2 |
Les eaux usées traitées sont classées dans le niveau de qualité qui correspond au classement du paramètre le plus défavorable. Les abattements sont mesurés entre les eaux brutes, en entrée de la station de traitement des eaux usées, et les eaux usées traitées, en sortie de la station de traitement des eaux usées ou de la filière de traitement complémentaire, le cas échéant. |